Les études ethniques à l’Est et à l’Ouest :
normativité et instrumentalité
Anna KRASTEVA
« Si personne ne me le demande, je sais, si je veux l’expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus ». Saint Augustin formule avec brio un grand paradoxe théorique. Le sage l’applique à l’(in)compréhension du temps. Il pourrait être également et parfaitement appliqué à l’ethnicité. La pensée théorique doit sans cesse surmonter la contradiction entre l’intuition claire et la définition problématique. Résoudre cette contradiction n’est pas l’objectif de cet article. Son but est plus concret : reconstruire les conceptualisations de l’ethnicité, leurs interprétations et leurs usages dans les études occidentales et orientales. Will Kymlicka (2001) entreprend une démarche de grande ampleur en ayant l’ambition de tester l’applicabilité de sa théorie du libéralisme pluriel aux réalités ethniques des pays de l’Europe Centrale et Orientale. Il apporte diverses réponses au dilemme de l’utilisation des instruments théoriques conçus à l’Ouest pour l’étude des minorités, migrations, identités, et histoires qui, à l’Est, s’imbriquent différemment. Ses analyses se situent dans la sphère de la philosophie politique. Ma réflexion se situe au niveau épistémologique. Elle sera articulée autour de trois dimensions.
La première va déployer les arguments des principales conceptions qui construisent des images théoriques bien distinctes de l’ethnicité. La seconde va inscrire ces questionnements dans un débat épistémologique plus large. La troisième va s’interroger sur l’instrumentalisation spécifique de ces outils à l’Est.
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Anna Krasteva 
