L’e-citoyenneté – le projet politique de la révolution digitale

Chaque technologie a son projet politique.[1] Imprimerie rime avec Reforme. La parole de Luter n’aurait pas eu cet effet révolutionnaire si elle n’était pas multipliée, renforcée, accélérée par les milliers de bibles que l’imprimerie rend accessibles aux croyants. La radio et la télévision ont un effet encore plus universalisant et globalisant, ainsi qu’un autre référent politique – la démocratie de masse. La technologie acquiert de l’épaisseur sociale et du sens quand elle est imbriquée dans la transformation politique. L’inverse est du genre de l’anti-utopie technologique. Si le lien entre les vagues précédentes d’innovation technologique et les étapes successives de la culture politique pour Dominique Wolton est du registre de la constatation, pour Internet elle est du registre de la problématisation[2].

Quel est le projet politique de l’Internet ? D. Wolton pose la question, mais au début de la décennie précédente (2002) ne trouve pas suffisamment d’arguments pour y répondre. Dix ans plus tard un groupe international de chercheurs trouve tant de réponses qu’on leur consacre le présent ouvrage.

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Le premier groupe de réponses est lié  à  l’empowerment des citoyens, ce terme anglais avec fort message normatif et politique. Le citoyen non seulement devient acteur à part entière, mais grâce aux réseaux et la connectivité sans précédent entre dans l’espace des grands  pour les défier et même les délégitimer. L’argument le plus ambitieux est formulé par Saskia Sassen : „ À l’aide de ces technologies, les sans-pouvoirs peuvent réellement délégitimer les systèmes de savoirs formalisés. Ces systèmes formalisés de savoirs – spécialement ceux constitués par les universités et la finance – sont difficiles à combattre par des acteurs qu’on a longtemps tenus pour purement locaux, immobiles. Et pourtant, l’interactivité en réseau peut leur permettre de sortir de ces relégations et de surmonter les barrières hiérarchico-institutionnelles[3]

Le lien technologie – politique a toujours été direct, dans le monde digital il devient intime et intense : rarement une technologie a engagé autant de politique qu’Internet.[4] « La révolution digitale est une révolution communicationnelle qui transforme la société. La nouvelle technologie exige une nouvelle politique. La Toile transforme le monde en notre sphère d’influence. Grace à la technologie nous acquérons la connaissance et la liberté pour agir. Les gouvernements ne peuvent pas arrêter ce processus. Le futur appartient à ceux qui le construisent. Commençons à le construire maintenant[5] Non, ceci n’est pas le manifeste du présent ouvrage. Ceci est Wired Manifesto de 1996 qui a proclamé fièrement le pathos révolutionnaire d’Internet, son ambition à opposer aux gouvernements, corporations, bureaucraties une nouvelle gouvernance en réseau, flexible et centrée sur les individus et les innovations.

Les années après le Manifeste digital ne finissent de tisser le filtre critique à ces  interprétations idéologiques du lien technologie – politique. Ce lien n’a pas de couleurs idéologiques claires – libéral ? libertaire ? communiste ?[6] Internet s’éclipse des étiquettes politiques. Les habits idéologiques et partisans sont trop petits pour son ambition qui vise le noyau-même du politique – la démocratie, en aspirant faire éclater le premier et refonder la seconde. Il aspire aussi à en construire l’auteur et l’acteur – l’e-citoyen.

 « De l’engagement des masses à une masse d’engagements » – par cette formule Lucie Merra résume deux tendances : l’accessibilité de l’engagement qui devient à la portée de tout un chacun, ainsi que la multiplication et la diversification des cyberactivités. « Et je pense que maintenant, chacun peut être activiste à son niveau sur des petits trucs, voilà »  dit M. 30 ans, consultant internet, éditeur de blog[7].

Les internautes affirment une forme active de citoyenneté. Entre les deux conceptions, la citoyenneté comme appartenance et devoir et la citoyenneté comme engagement et activisme, ils choisissent sans hésiter la seconde : « participer à des initiatives politiques non électorales, comme des mouvements de protestation, des campagnes sociales, la défense de causes, etc[8]. Les net-citoyens sont allergiques à toute forme d’action politique instituée.[9] Svetla Koleva et al résument cette transition en « du vivre-ensemble au faire-ensemble».[10] Le cyberactivisme  n’aspire pas à renforcer l’ordre établi, mais à le défier, contester, refonder.

La reconnaissance est une dimension essentielle de chaque identité, elle est doublement chargée de capital symbolique quand elle est niée par les régimes dictatoriaux. Le réseau global de blogueurs contribue à la formation et renforcement du net-citoyen par la reconnaissance digitale transfrontalière: l’organisation Reporter Sans Frontières a créé le Prix du Net-citoyen. L’année dernière (2012) il a été remis aux Centres des médias des comités locaux de coordination en Syrie regroupant « des journalistes citoyens ayant rassemblé et diffusé en temps réel, informations et images sur la révolte populaire syrienne ».[11]

Internet et les réseaux sociaux contribuent à l’innovation et au renforcement de la citoyenneté dans deux directions  –  en  ‘hauteur ‘ et en ‘largeur.’ La première est exprimée par les  idées ‘chaque e-citoyen – leader’ ou ‘mobilisations sans leader’. La citoyenneté ‘élargie’ trouve sa réalisation dans la création d’une diaspora digitale.

« Votre désir de voir ‘les organisateurs’ nous fait rire…Votre plus grand cauchemar est devenu réalité : la majorité est capable de s’auto-organiser. Spontanément, rapidement, efficacement. Sans possibilité de neutralisation[12]».  Cette citation d’un blogueur bulgare vert illustre la volonté des nouvelles mobilisations de rejeter le moule traditionnel – « masse » guidée par un leader – et d’affirmer l’égalité dans cette citoyenneté redéfinie comme  participation et responsabilité de chaque citoyen pour l’intérêt public.

La seconde transformation de la citoyenneté – en ‘largeur’ – renvoie à la création d’un nouveau phénomène – la diaspora digitale. Traditionnellement la diaspora est pensée en termes de langue et culture et ses liens avec la mère-patrie sont tissés par deux instances centrales – la famille et l’Etat. Internet et les réseaux sociaux sont les demiurges d’une nouvelle diaspora – digitale – dont les liens sont construits par cette nouvelle citoyenneté transfrontalière active et engagée. La solidarité n’est plus avec l’Etat, mais avec les citoyens contre des Etats irresponsables et corrompus. Les mobilisations vertes contre le gaz de schiste ont enthousiasmé les Bulgares en Bulgarie et les Bulgares hors Bulgarie[13]; les manifestations de masse dans nombreuses villes bulgares de février-mars 2013 ont été soutenues par actions de solidarité de Bulgares dans nombreuses villes européennes.[14]  Cette nouvelle diaspora digitale respire au rythme de la contestation, de l’engagement, de la citoyenneté augmentée – plus seulement appartenance culturelle, mais avant et surtout action et mobilisation.

Le second groupe d’arguments est lie à l’accès. Internet élargit l’accès des citoyens à l’espace public digital plus que toute autre innovation technologique. L’homme en réseau devient homme augmenté. Deux tendances convergent et interfèrent pour faire de l’accès un argument central de la nouvelle e-citoyenneté. La première s’exprime dans les évolutions récentes du concept de citoyenneté de plus en plus lié aux logiques et les pratiques de la communication et de l’information: « En particulier, la question de l’accès à l’information et sa place dans la participation aux processus de décision sont devenues des questions majeures de la rationalité politique ».[15] L’autre tendance montre la forte charge normative et politique de l’accès, transformant le dernier d’un terme technique en un nouvel idéal démocratique : il « incarne aux yeux des nouvelles générations ce que la perspective démocratique représentait pour les générations précédentes».[16]

L’accès est conçu pas seulement en termes quantitatifs – accès d’un nombre croissant de citoyens à un nombre croissant de sources d’information, mais avant et surtout en termes qualitatifs, le passage du citoyen de la consommation  à la production d’information. De nouveaux concepts, tel le journalisme participatif, sont forgés pour exprimer ces nouvelles réalités : « Le journalisme participatif abandonne l’idée de la fabrication d’un ‘produit’ médiatique, et du journalisme comme une ‘culture d’experts et marchandise’, pour adopter un processus interactif, conversationnel qui, idéalement, implique davantage les citoyens à la vie publique »[17]. Valentina Gueorguieva illustre le phénomène par Indymedia, son pathos citoyen et son journalisme alternatif.

Le fort potentiel militant des blogueurs et internautes atteint des hauteurs pendant émeutes, révoltes et révolutions. Dans des situations extrêmes les internautes assument une multitude de fonctions : remplacent les journalistes[18], informent, coordonnent, mobilisent. Anonymous, blogueurs, cyberexperts du monde entier courent au secours des blogueurs censurés et menacés leur procurant des logiciels libres pour se protéger de la cybercensure, attaquant des sites de gouvernements répressifs … Le Courrier international appelle les hackers la cinquième colonne des révolutions arabes.[19]

Créer un espace public digital global est l’aspiration suprême en temps de révolutions, comme en temps de paix. Global Voices en atteste  réunissant ceux qui veulent une meilleure conversation globale: « Les gens qui pensent que les conversations et les partages peer-to-peer de travaux créatifs entre citoyens ordinaires sur le cyberespace n’est pas seulement ‘cool’. Ce n’est pas une autre opportunité commerciale. C’est vital pour améliorer l’état du monde »[20].

L’espace public digital et global est le centre de la troisième catégorie d’arguments pour l’e-citoyenneté comme le projet politique de la révolution d’Internet. Chaque étape de développement de la citoyenneté renvoie à une conception de l’espace public. M. de Certeau définit 1968 comme ‘prise de parole’.[21] D’autres auteurs comme Nancy Fraser[22] ajoutent l’inclusion dans la conversation de thèmes qui avant étaient marginalisés ou repoussés de l’espace public. D. Cardon décrit la double révolution digitale comme interférence de deux changements : d’une part, le droit de prendre la parole en public s’élargit a la société entière ; d’autre part, une partie des conversations privées s’incorpore dans l’espace public. L’espace public s’élargit de toute parts et dans tous les sens ».[23]

Internet permet à l’espace public de changer d’échelle. La critique sociale radicale redéfinit l’espace de la justice[24] qui ne doit plus s’arrêter aux frontières nationales, mais doit reconnaitre le monde globalisé. Internet fait la même opération avec l’espace public : il en « pouse les murs tout en enlevant le plancher ».[25]

Il se construit par la solidarité entre blogueurs du monde entier. Plus la situation de la blogosphère dans un coin du monde s’empire et s’aggrave, plus les blogueurs des pays démocratiques s’ingénient et se mobilisent pour apporter de secours. Global Voice Online est un réseau de blogueurs et traducteurs du monde entier qui soutient les blogueurs arabes : « Il s’agit alors de renforcer leurs liens pour faire pression sur les gouvernements et arrêter la censure en se soutenant mutuellement »[26]. L’Association a créé un observatoire pour aider les blogueurs contre la censure.[27]

L’ambition du net-citoyen pourrait être mesurée par le projet d’un nouvel ordre international : « L’existence d’un sixième continent virtuel conduit à prendre en compte un nouvel ordre international où les citoyens du « village global » s’engagent au sein de leur État, mais aussi auprès des autres gouvernements ».[28]

La société civile mondiale est une autre conceptualisation de la création de réseaux entre acteurs locaux. Antony Todorov souscrit à la thèse de Sashka Sassen que « Des acteurs, des organisations et des causes tout à fait locaux constituent des maillons tout à fait essentiels de la société civile mondiale, telle qu’elle prend forme actuellement, et ce bien que son existence repose sur les réseaux électroniques globaux et les imaginaires qui leur sont associés »[29].

De la contre-culture des 60 à la cyberculture des 10 – Anna Krasteva[1] pose la question des valeurs qui fondent la communauté imaginaire des e-citoyens et forment la quatrième catégorie d’arguments. « Révoltés contre le consumérisme, le conformisme, le matérialisme, les hippies des années 1960 chantent l’utopie de la liberté et de l’autonomie, rejettent les pyramides pour les réseaux, sacrifient avec joie l’autorité a l’autel du nouveau lien social et la solidarité. À ce mixte de contestation, valeurs et utopies, on ajoute aujourd’hui Internet, réseaux sociaux, blogs et autres gadgets digitaux pour réussir l’alchimie de la cyberculture contemporaine. Communications riment avec contre-culture, réseaux informatiques avec messages alternatifs.»[2]

La contre-culture des années 60 et la cyberculture des années 10 partagent la même aspiration: recréer la société par le bas, détrôner les pyramides et légitimer la Toile, tourner le dos aux hiérarchies et redécouvrir la solidarité. Les hippies vivent dans des communes inspirées par le free speech, l’authenticité et les droits de l’homme. Les internautes construisent la ‘république des informaticiens’[32] – un monde méritocratique, complété et solidifié par la culture d’échange et de coopération entre pairs. Le culte du micro et ‘do it yourself’sont deux autres piliers des deux cultures. Les hippies créent des communautés pour être authentiquement soi-même ; le monde digital innove les moyens pour redessiner et multiplier les liens sociaux.

Luc Boltanksi et Eve Chiapello[33] nous ont appris qu‘après 1968 la critique du capitalisme prend deux voies : sociale, orientée vers la transformation des relations de pouvoir, et artistique, aspirant à la libération, authenticité et créativité des individus. Des auteurs comme Dominique Cardon préfèrent s inscrire dans la seconde voie : « dans le contexte américain, Internet a été porté par le mouvement de la critique artiste. Libertaire, son centre de gravité est l’autonomie de l’individu, l’auto organisation et le refus des contraintes collectives».[34] Les auteurs du présent ouvrage préfèrent la voie de la critique sociale et politique et se concentrent sur la construction de la nouvelle citoyenneté digitale.

« L’Internet contre la democratie »[35] – Antony Todorov et Alexander Marinov développent la réflexion critique. R. Putnam parle de « cyberaparthied » et « cyberbalkanisation », l’innovation technologique est séparée et même opposée au changement social par l’affirmation que les nouvelles technologies reproduisent et renforcent de vieilles inégalités. Cette conception critique souligne l’idée que « The winner takes all » et la soutient par une palette d’arguments : les corporations médiatiques sont aussi puissantes dans la Toile que hors d’elle, de nouveaux monopoles s’imposent –  Google, Yahoo, Facebook; la concentration du public dans Internet est encore plus importante que dans les medias traditionnels; les hommes professionnels éduqués sont surreprésentés dans la formation online de l’opinion publique; la légèreté de parler ne surmonte pas la difficulté d’être entendu.[36] D’autres auteurs sont encore plus radicaux et proclament ni plus ni moins la fin de la révolution digitale.[37] Alexander Marinov souligne « qu’ïl y a déjà suffisamment d’exemples de réseaux sociaux qui sont plutôt des clubs fermés et qui peuvent difficilement être rattachés aux valeurs de la parité et de l’ouverture.»[38] 

Les auteurs de l’ouvrage connaissent cette réflexion critique, la commentent, lui consacrent plusieurs pages. Ils la connaissent, mais ne se convertissent pas. La conception positive est mure et réfléchie, elle va au-delà du pathos technologique, révolutionnant la démocratie, ainsi que des nouvelles inégalités digitales qui complètent et renforcent les inégalités classiques  économiques, sociales et culturelles. Deux idées fortes sont formulées : Internet a un projet politique ; ce projet politique s’appelle e-citoyenneté – vitale, élargie, augmentée.

Anna Krasteva


[1]Dominique Wolton,  Fracture numérique ou facture numérique ?- In : Jauréguiberry Fr. et S. Proulx (eds) Internet, nouvel espace citoyen ? Paris : Harmattan, 2002, 31 – 35.

[2] « Internet est un projet social, pas politique », affirme Dominique Wolton, op.cit, p. 34.

[3] Saskia Sassen. Si l’ouvrage n’est pas cité, il s’agit de l’article de l’auteur dans  le présent livre.

[4] Dominique Cardon. La démocratie d’Internet. Paris : Seuil, 2010, p.13.

[5] The Wired Manifesto.- Wired, 1996, issue 2.10. http://yoz.com/wired/2.10/features/manifesto.html

[6] Dominique Cardon op cit, p. 7

[7] Cité par Dominique Cardon et Felix Granjon, Médiactivistes, Paris, Presses de Sciences-Po, 2010,

cité par Lucile Merra.

[8] Ruzha Smilova in Ivaylo Dichev & Orlin Spassov (dir.), New Media and New Mobilizations, Sofia, Open Society Institute, 2011, cité par Eva Staykova.

[9] Svetla Koleva et al

[10] Svetla Koleva et al

[11] Muriel Boudon

[12]. Cf. http://www.saprotiva.com/dobro-utro/, cité par Ildiko Otova.

[13] A Londres, Paris, Copenhague, comme nous rappelle Ildiko Otova.

[14] Anna Krasteva, Ildiko Otova.

[15] dans le même ouvrage

[16] Jeremy Rifkin, cité par Bernard Lamizet .

[17]. Leah Lievrouw, Alternative and Activist New Media, Cambridge, Polity, p. 2. p. 144, cite par Valentina Gueorguieva.

[18] Par exemple pendant le printemps tunisien quand il n’y avait pas de correspondants étrangers (

[19] Muriel Boudon

[20]. Sur <http://globalvoicesonline.org/&gt;, (19.4.2012) cité par Bernard Lamizet.

[21] Michel de Certeau  La prise de parole et autres écrits politiques, Paris, Seuil, 1994.

[22] Nancy Fraser. Scales of justice: reimagining political space in the globalizing world. Columbia University Press, 2010.

[23] Dominique Cardon, op.cit, p. 11.

[24] Nancy Fraser, op.cit.

[25] Dominique Cardon, op.cit, p. 10.

[26] Muriel Boudon

[27] Muriel Boudon

[28] Muriel Boudon

[29]. Saskia Sassen, « L’émergence d’une multiplication d’assemblages de territoire, d’autorités et de droits », sur http://www.columbia.edu/~sjs2/PDFs /Copy%20of%20wievorka%20ch-1.pdf cité par Antony Todorov,

[30] Avec plusieurs autres auteurs dont Dominique Cardon, op.cit.

[31] Anna Krasteva

[32] Dominique Cardon, op.cit.

[33] Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme., Paris, Gallimard, 2011.

[34] Dominique Cardon, op.cit., p. 31.

[35] Books, n° 12, mars-avril 2010, sur http://www.books.fr/archives/numero-12/, cité par Antony Todorov.

[36] Matthew Hindmar, The myth of digital democracy, Princeton University Press, 2009.

[37] Nicholas Negriponte. La fin de la révolution digitale? http://www.kultura.bg/media/my_html/2063/b_digit.htm

[38] Alexander Marinov.

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